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          L’ardoise par sa nature fissile c’est-à-dire son aptitude à se fendre en feuillets se présente toujours en plaques dont l’épaisseur est déterminée par  l’ouvrier qui l’extrait de la couche géologique et procède au débitage des blocs abattus ; il est fort rare que cette épaisseur dépasse deux ou trois décimètres quand il s’agit de fabriquer des ardoises qui, souvent, n’auront que quelques millimètres d’épaisseur.

            Par cette propriété physique liée à sa formation, la roche se prête donc très mal à la sculpture qui ne peut relever que de la technique du bas-relief et moins encore à la création d’objets en volume.  Or l’ardoise fut – mais bien rarement – travaillée au tour.

A Rimogne, une table spectaculaire « médaille d’or » en exposition universelle

La Maison de l’ardoise de Rimogne (Ardennes) expose une table entièrement faite d’ardoise polie tant pour son piètement comprenant huit pieds tournés reposant sur une entretoise remarquablement travaillée que pour son plateau de 1,70 m x 1 m à bord mouluré en bec de corbin (FIG. 1, 2, 3)

Dès 1839, la Compagnie des ardoisières de Rimogne comprit l’importance de participer aux expositions industrielles nationales en présentant des œuvres d’art reflétant l’excellence et le savoir-faire de l’entreprise et assurant son prestige par l’obtention de médailles. Henri Giloteaux, alors Directeur de la Compagnie au début du vingtième siècle, fait découvrir au public la diversité des couleurs de la pierre et comment elle est employée « sous forme d’ardoises de couverture, d’objets sciés, rabotés, tournés et sculptés ». Cette table exceptionnelle présentée à l’Exposition Universelle de Liège en 1905 valut à Giloteaux une médaille d’or lui assurant une réputation sans conteste puisqu’il devint de surcroit membre du jury des Expositions Universelles d’avant la Première guerre mondiale qui suivirent à Saint-Louis (USA), Milan (Italie), Londres (Royaume-Uni), Bruxelles (Belgique), Bordeaux et Toulouse.

Cette table hors du commun, véritable prouesse technique et témoin unique d’un travail exceptionnel de l’ardoise contribua finalement à faire vendre beaucoup …d’ardoises de couverture !

Châteaubriant : un château faisant la part belle à l’ardoise

  Le château de Châteaubriant (Loire-Atlantique) fondé au XIème siècle sur les marches de Bretagne participait à la ligne de défense du Duché de Bretagne, notamment contre les velléités du Comte d’Anjou. Il est en cela le pendant breton du château angevin de Pouancé. Il connut de multiples propriétaires et autant de transformations qui, d’un château fort du Moyen-âge, le transformèrent en une villégiature d’agrément.

Il fut encore fort remanié au XVIème, siècle d’or des châteaux de la Loire où la cour des rois, alors très nomade, se plaisait à séjourner. Les seigneurs locaux rivalisèrent entre eux pour embellir leurs demeures dans l’espoir d’y accueillir de très illustres hôtes. En cela, Jean de Laval fut comblé : François Ier lors de sa visite de la Bretagne fit en 1532 une longue halte chez lui du 14 mai au 22 juin. Moins sans doute par passion de l’ardoise que pour celle de l’épouse de son hôte très compréhensif.   

Certains éléments du château Renaissance, et notamment les galeries, semblent avoir été construits dans les années 1540, voire au début des années 1550. Ils n'auraient donc pas été édifiés Jean de Laval mais par son protégé Anne de Montmorency. Anne - c’est un homme - auquel Jean légua le tiers de sa fortune possède déjà de nombreuses résidences, notamment Chantilly et Écouen, qu'il fait construire de ses deniers ainsi que les propriétés familiales de Montmorency et Compiègne. Il semble cependant avoir accordé un soin particulier au château et à la baronnie de Châteaubriant. Cela est peut-être dû à sa défaveur auprès de François Ier à la fin du règne de ce dernier. S’éloignant de Paris et de la cour, il aurait choisi de se retirer à Châteaubriant.

Coiffé comme tous les châteaux de la Loire, sans aucune exception, de toits en ardoises, celui-ci offre la particularité d’avoir abondamment intégré l’ardoise dans l’élévation des murs, la construction de larges montées d’escaliers droites ou en colimaçons, l’encadrement des fenêtres et la construction en éléments sciés des arcs en plein-cintre. Mais l’originalité de l’emploi de l’ardoise à Châteaubriant est ailleurs ; d’importantes colonnes d’ordre dorique soutiennent le toit de la grande galerie ouverte sur le jardin et la terrasse en avancée de l’entrée principale. Chacune de ces colonnes hautes de plusieurs mètres, d’un fort diamètre et donc d’un poids considérable résulte d’un façonnage par tournage. (FIG. 4, 5, 6, 7)

L’exploit technique s’avèred’autant plus remarquable que l’ardoise ne se prête pas du tout au tournage qui fut nécessairement utilisé pour leur fabrication. Une telle construction monumentale en ardoise tournée est unique en France.